"J'avais besoin de pièces de mobilier pour une mission et elles n’existaient pas. Alors je les ai créés". Cette phrase de Florence Knoll paraît si évidente de nos jours… Ce ne fut malheureusement pas toujours le cas.
Longtemps, la conception de meubles a été un milieu exclusivement masculin, ou presque. Quelques femmes ont certes réussi à s’y tailler une place, mais elles furent toujours associées à un homme - qu’il soit leur époux ou leur mentor - quand elles n'étaient pas totalement oubliées, effacées ou écartées.
Il faut du temps pour que ces artistes soient reconnues pour leurs créations. De nombreux meubles et accessoires que nous voyons aujourd’hui ont pourtant été créés par ces pionnières. La fameuse “lounge chair Eames”, par exemple, longtemps attribuée à Charles Eames, aurait en fait été conçue par son épouse Ray. A une époque où la femme est trop souvent reléguée à l'arrière-plan, le célèbre créateur aurait d’ailleurs affirmé, en parlant de son épouse : “tout ce que je sais faire, Ray le fait mieux”.
Charlotte Perriand, “protégée” du célèbre architecte franco-suisse Le Corbusier, n’a pas échappé à cette discrimination, et leur relation ne commence pas sous les meilleurs auspices. “Vous savez, ici, on ne brode pas des coussins !”, lui aurait-il lancé au cours d’une de leurs premières rencontres. Le ton est donné. Mais son “Bar sous le toit” (1927) lui apporte un succès éclatant et elle intègre l’agence de l’architecte, qui lui confie l'aménagement et le mobilier de plusieurs villas. Elle connaît le succès, et occupe même une position privilégiée de conseillère de l’art industriel pour le gouvernement japonais pendant la Seconde Guerre mondiale. Mais plusieurs de ses œuvres sont longtemps restées attribuées à son mentor, comme sa chaise longue basculante.
Pourquoi des femmes talentueuses, et décidément avant-gardistes, ont-elles été mises de côté ? Plusieurs facteurs entrent en jeu. Les mentalités résolument sexistes de l'époque, certes, mais pas que. Il serait si facile - et simpliste, disons-le clairement, - de n’attribuer ce manquement à l’Histoire qu’au seul conservatisme. Plusieurs créatrices ont quand même connu une relative notoriété, du moins chez les initiés, sinon sur le plan international. Certaines se sont mariées, avant de changer leur nom et/ou d’abandonner leur vocation, pour se consacrer à leur famille.
Le contexte historique est certainement à prendre en compte. Plusieurs événements sociopolitiques ont bouleversé le XXe siècle, notamment au cours des premières décennies. Le début des années 1930 voit l'arrivée du parti national-socialiste au pouvoir en Allemagne. A l'époque, le célèbre architecte Ludwig Mies van der Rohe est également le directeur de la fameuse école Bauhaus. Son amie et partenaire moderniste, Lilly Reich, est de son côté directrice des ateliers textiles de l'établissement, auxquels sont souvent cantonnées les femmes, ainsi qu’architecte et designer. A la dissolution définitive de l'école pour promotion d’un “art dégénéré” et d'idées communistes en 1933, de nombreux artistes, dont Mies van der Rohe, décident de quitter le pays pour les Etats-Unis. Lilly Reich, elle, décide de rester. Pendant la guerre, son atelier est bombardé et elle est envoyée dans un camp de travail où elle reste jusqu'à la fin du conflit. Elle meurt de maladie en 1947, sans avoir réellement eu le temps de se reconstruire professionnellement. Ce n’est que bien plus tard, à la fin des années 1990, qu’une exposition au Museum of Modern Arts (MoMA) de New York lui est, pour la première fois, entièrement consacrée. Ses œuvres individuelles et son impact sur celles de Mies van der Rohe sont alors reconnus à leur juste valeur.
Pour certaines, le boom de la construction de l'après-guerre est l’occasion de briller, ou de renaître. C’est le cas par exemple de Florence Knoll, qui adapte le style Bauhaus - élégant, sobre - au goût du public américain. Aino Aalto, longtemps considérée comme la muse de son célèbre mari Alvar, a en réalité très largement contribué au rayonnement international du style scandinave à travers ses propres créations. L’Irlandaise Eileen Gray, figure clé du modernisme des années 1920-30, reste quant à elle oubliée pendant des décennies avant d'être redécouverte quelques années avant sa mort dans les années 1970. De nombreuses expositions lui sont consacrées, elle les ignore toutes…
Ce n’est probablement pas une coïncidence si cette redécouverte de femmes influentes du design atteint son pic au début des années 2000. Le centième anniversaire du droit de vote pour les femmes approche alors à grands pas. Livres, expositions, débats, plusieurs plateformes sont consacrées à l'égalité des genres dans les milieux traditionnellement ultra-masculins. L’année 2019 a également été le centenaire de la création de l'école Bauhaus par Walter Gropius. Cette date anniversaire a été l’occasion pour plusieurs historiens de rappeler l’influence des femmes du mouvement Bauhaus. Lilly Reich, précédemment citée, mais aussi Anni Albers, Marianne Brandt, pour n’en citer que quelques-unes.
Nous savons maintenant que ces femmes ont pavé la voie à celles qui leur ont succédé, comme Gae Aulenti, Paola Navone, Patricia Urquiola, Hella Jongerius, Zaha Hadid,... Des noms rapidement devenus iconiques, qui ont reçu - et continuent de recevoir - la reconnaissance qui leur est due.
Aujourd’hui, près de la moitié des créateurs et designers sont des femmes. Les mentalités ont certes considérablement évolué, en grande partie grâce aux réseaux sociaux et aux médias. Mais le milieu n’a pas encore tout à fait atteint ses objectifs en termes de parité. Selon des chiffres de 2021 de l’Institut de recherche sur la politique des femmes (Institute for Women’s Policy Research), seuls quelque 10% des rôles décisifs dans ce domaine sont confiés à des femmes.
Sources des images : @Cristina Gottardi | @Serhat Beyazkaya | @Green Chameleon | @Tim Gouw | @Ryan Ancill | @Laura Cleffmann
Inscrivez-vous à la newsletter et recevez toute l'actualité et les bons plans home24 !
*Désinscription possible à tout moment. Code à ajouter à votre panier ou à saisir lors de la dernière étape de la commande. Code valable 6 semaines à partir de l'abonnement à la newsletter. Non valable sur les articles signalés par la mention « Spécial ». Valable uniquement sur les articles vendus et expédiés par home24 SE. Un seul bon de réduction par personne. Offre non cumulable ni ne pouvant être utilisée sur les frais de livraison ou de montage.
Vous trouverez plus d'informations sur la manière dont sont utilisées vos données personnelles en consultant notre politique de protection des données. L'abonnement à notre newsletter inclut des emails vous informant des dernières promotions et tendances d'intérieur mais aussi des alertes basées sur votre comportement en tant qu'utilisateur mais aussi sondages, et les offres de nos partenaires.